Agris et TC ont à réinventer en partie leur métier

RESEAU MOTIVAL
alain baraton

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CONSULTANT ASSOCIE FONDATEUR

Agris et TC ont à réinventer en partie leur métier

Agrodistribution le 25/08/2022

Animateur des 16es rencontres Agrodistribution qui se sont déroulées le 14 juin 2022, Alain Baraton est cogérant de Réseau Motival qui réunit seize consultants formateurs.

Spécialisé dans la formation et le coaching de ceux qui accompagnent les agriculteurs, notamment les technico-commerciaux des coopératives et négoces, ce réseau a une connaissance approfondie des enjeux que ceux-ci ont à relever. Alain Baraton partage ici son analyse du débat et sa vision de la relation agriculteur-technico-commercial de demain.

Quels éléments marquants vous ont interpellé lors de nos rencontres ?

En premier lieu, les agriculteurs présents ont clairement affirmé leur souhait de grandir ensemble avec les TC.

Le décodage de ce message fait comprendre que la relation agriculteur-TC franchit un cap. En effet, on passe d’une relation de celui qui sait avec celui qui fait, à une relation d’égal à égal, plus équilibrée, dans laquelle on définit des projets ensemble et chacun tire l’autre. Une relation dans laquelle l’agriculteur s’affiche en décideur, inspiré par le TC qui propose.

De ce fait, le TC n’a plus à se positionner en « sachant », mais plutôt en agitateur d’idées et lanceur d’initiatives.

Cette évolution change fortement la donne. La relation évolue en effet avec une attente exprimée par ces agriculteurs qui se formule finalement plus par un besoin de consulting que par un besoin de conseil : c’est une bonne nouvelle.

Dans le même temps, les TC présents ont témoigné de leur attachement au métier, des efforts de formation faits par leurs employeurs (coopératives comme négoces). C’est bien plus marqué que lors des rencontres organisées il y a douze ans sur le même sujet et que j’animais également. Cela montre le dynamisme de cette profession qui s’aligne en termes de compétences pour faire face aux nouvelles attentes des agriculteurs : réglementation, agronomie, approche économique…

D’autre part, avec du recul sur l’étude ADquation et le débat, je constate un renforcement de la relation agri-TC qui ne semble pas ébranlée par la loi EGalim. Le fossé que l’on sentait arriver dans les années 2010 s’est finalement comblé.

Vous estimez le sondage ADquation encourageant pour les TC. Pouvez-vous développer votre appréciation ?

L’étude d’ADquation, ainsi que les témoignages des agriculteurs présents aux rencontres, souligne clairement que l’attente des agris vis-à-vis des TC ne faiblit pas. Et la satisfaction s’est même renforcée. Cette enquête montre bien que les deux populations se sont rapprochées. Nous l’observons d’ailleurs sur le terrain dans notre activité. Sur la dernière campagne, nous avons rencontré, lors de nos accompagnements de TC, plus de 1 000 agris chez lesquels nous sommes mieux reçus qu’il y a dix ans et davantage attendus.

Et surtout, on voit bien que les plus jeunes, dont on pouvait craindre qu’ils s’éloignent des TC, formulent au contraire des attentes fortes envers la profession. Si celle-ci doit muter, s’adapter à son temps, elle reste considérée comme un point d’appui essentiel à leurs yeux. Alors qu’ils peuvent être autant formés, si ce n’est plus parfois, que leur TC. Un chef d’entreprise a en effet besoin d’un consultant pour le challenger et de l’effet miroir afin de s’assurer qu’il agit correctement.

Quelle est votre vision de la relation agriculteur-TC de demain ?

Nous pensons que nous évoluons vers une relation plus distancielle, moins présentielle, mais finalement peut-être plus dense : des contacts plus fréquents, des échanges d’informations plus nombreux et plus variés, en utilisant tous les moyens de communication et d’information actuels (téléphone bien sûr, et aussi mail, WhatsApp, applications pro, extranet entreprise…). Les agriculteurs rencontrés dans le cadre de notre réseau demandent moins de visites mais veulent une réactivité accrue à l’aide des moyens modernes.

La relation sera également plus équilibrée : les deux acteurs se positionneront en sachants et probablement sur des domaines d’expertise différents. Ce qui est avant tout attendu par les agriculteurs, c’est la capacité du TC à être force de proposition, d’initiative. Et dans le même temps, ils sont de plus en plus nombreux à affirmer leur souhait de garder le pouvoir de l’ultime décision. Cela a d’ailleurs été dit lors des rencontres.

 

Finalement, la relation pourrait devenir de moins en moins marchande, surtout avec le développement des outils digitaux qui permettront à l’agri de réaliser ses actes d’achats comme de ventes sans avoir à passer par le TC.

Le conseil en lui-même pourrait y gagner en intensité, profondeur, pertinence et valeur ajoutée.

Il va se poser alors la question de la valeur de l’accompagnement.

Dès lors que l’agriculteur a le sien personnalisé, il verra moins de problèmes à le payer. Un élément est alors indispensable : la capacité des deux acteurs à quantifier la valeur ajoutée tirée par chacun des deux dans cette relation.

Le bilan annuel peut le permettre pour constater ensemble si on a brassé de l’air ou si on a obtenu des résultats concrets.

Quelle est votre vision de la relation agriculteur-TC de demain ?

Nous pensons que nous évoluons vers une relation plus distancielle, moins présentielle, mais finalement peut-être plus dense : des contacts plus fréquents, des échanges d’informations plus nombreux et plus variés, en utilisant tous les moyens de communication et d’information actuels (téléphone bien sûr, et aussi mail, WhatsApp, applications pro, extranet entreprise…). Les agriculteurs rencontrés dans le cadre de notre réseau demandent moins de visites mais veulent une réactivité accrue à l’aide des moyens modernes.

La relation sera également plus équilibrée : les deux acteurs se positionneront en sachants et probablement sur des domaines d’expertise différents. Ce qui est avant tout attendu par les agriculteurs, c’est la capacité du TC à être force de proposition, d’initiative. Et dans le même temps, ils sont de plus en plus nombreux à affirmer leur souhait de garder le pouvoir de l’ultime décision. Cela a d’ailleurs été dit lors des rencontres.

Finalement, la relation pourrait devenir de moins en moins marchande, surtout avec le développement des outils digitaux qui permettront à l’agri de réaliser ses actes d’achats comme de ventes sans avoir à passer par le TC. Le conseil en lui-même pourrait y gagner en intensité, profondeur, pertinence et valeur ajoutée.

Il va se poser alors la question de la valeur de l’accompagnement. Dès lors que l’agriculteur a le sien personnalisé, il verra moins de problèmes à le payer. Un élément est alors indispensable : la capacité des deux acteurs à quantifier la valeur ajoutée tirée par chacun des deux dans cette relation. Le bilan annuel peut le permettre pour constater ensemble si on a brassé de l’air ou si on a obtenu des résultats concrets.

 

Qu’ont alors les coopératives et négoces à mettre en place pour préserver un bon relationnel et donc leur activité ?

La question est surtout de préserver leur leadership sur le terrain, car le relationnel est là, et de garder ainsi leur place de référent en regard des autres organisations faisant du conseil.

Je vois pour cela trois approches à développer :

– monter encore l’expertise des TC sur des sujets très novateurs, afin d’avoir la capacité de surprendre les agriculteurs. Sinon, nous allons tomber dans une banalisation de l’accompagnement ;

– clarifier la rémunération du conseil-accompagnement : se fait-elle par les produits ou par une facture à part ? C’est un dilemme éminemment stratégique. Il s’agit toutefois de ne pas avoir d’état d’âme sur ce plan. Les autres conseillers facturent bien leur prestation. De plus, les agris sont vraiment de plus en plus nombreux à exprimer une attente de séparation de la vente et du conseil ;

– professionnaliser, repenser le calendrier de cette relation. En grandes cultures, le pivot actuel de la relation est le rendez-vous annuel de morte-saison et les tours de plaine du printemps. D’autres RDV méritent d’être bien plus approfondis aujourd’hui, rythmés selon l’activité de l’exploitant et ses sujets de préoccupation : le choix d’assolement (combinant agronomie, réglementation, débouchés filières et résultats économiques), les stratégies de réduction des phytos (assolement, choix génétiques, pratiques culturales), l’impact économique des choix opérés en s’appuyant sur le bilan annuel et les matrices de gain…

 

L’avenir des TC et des agriculteurs est-il alors étroitement lié ?

Si les agriculteurs, pour peu qu’ils en soient conscients, ont une part de leur métier à réinventer, les TC les plus lucides savent bien qu’il en va de même pour eux. Et c’est sûrement en cela que leurs destins sont mêlés.

Alors, les années qui viennent peuvent être riches de belles expériences de vie. Mais pour les apprécier, chacun, agriculteur comme TC, devra faire preuve des mêmes aptitudes : capacité à se renouveler, capacité à monter en compétence et à faire preuve d’un grand appétit de découvertes nouvelles et de remise en cause de ses certitudes historiques et culturelles, capacité à challenger l’autre mais aussi à se laisser challenger par l’autre, capacité à s’affirmer tout en respectant le besoin de l’autre de s’affirmer lui aussi.

Les rencontres Agrodistribution en ont été une parfaite illustration, ne rompant en rien avec les conclusions tirées de l’étude ADquation, comme des nombreuses observations faites par les coachs de Réseau Motival tout au long de la dernière campagne agricole.

Agro Distribution – AGRICULTEUR-TC : CONSTRUIRE UNE RELATION DURABLE-  Août 2022

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