En appro-collecte, le TC est présent sur divers fronts tout en étant appelé à adapter ses modes de fonctionnement pour garder le contact.
Encourageantes. C’est le qualificatif qui vient à l’esprit concernant les réponses à la question de notre enquête ADquation sur la perception de la compétence du TC par les agriculteurs (ci-contre). En effet, les jeunes de moins de 50 ans (l’âge moyen de notre échantillon étant de 52 ans) portent un regard plutôt positif sur ce niveau de compétences, notamment bien plus positif dans le domaine des débouchés et vente des productions.Par ailleurs, ces résultats sont quasiment similaires à ceux de 2010. À douze ans d’intervalle, ils sont toujours 89 % d’agriculteurs à estimer leur TC compétent en techniques de production et 83 % (84 en 2010) sur le sujet de la réglementation. Les TC n’ont pas décroché face aux évolutions de ces dernières années. Leur rôle reste bien ancré dans ces domaines, et répond parfaitement au souhait des agriculteurs d’être accompagnés en priorité sur la technique .
Apporter une culture économique
Sur le volet économique, ils sont deux tiers à juger leur TC compétent, alors qu’il existe également des attentes fortes en la matière, à côté desquelles, selon Alain Baraton, de Réseau Motival et animateur de nos rencontres, « il ne faut pas passer, sinon cela sera lourd de conséquences ». Laurent Gatine, responsable région d’Agora, partage sa nuance sur ce sujet : « Dans la tête d’un agriculteur, en règle générale, la coop ou le négoce est davantage là pour amener un conseil agronomique. Le centre de gestion et la chambre d’agriculture sont plus attendus sur le conseil économique et nous vivons avec cet historique. »
Cependant, cet état de fait n’empêche pas d’apporter une culture économique aux équipes terrain, comme l’a fait Agora avec la formation Agro TC. Chez Euralis, Philippe Dulucq explique travailler désormais avec une vision à 360 ° de l’exploitation (lire ci-contre) : « On se sent attendu aujourd’hui sur tout : l’agronomie, l’économique, le réglementaire et aussi le numérique. Cela donne de l’épaisseur à la relation. »
Ce qui renforce la complexité du métier que l’on retrouve particulièrement en appro-collecte, comme le remarque Pascal Chevrey, responsable secteur de Bourgogne du Sud : « Le TC a plusieurs cultures à gérer, avec une réglementation consommant du temps et de l’énergie. » Enseignante-chercheuse à l’Ensat, Geneviève Nguyen, revient aussi sur la complexité de conseiller sur les aspects techniques et économiques. « Quand on conseille sur un assolement, tout en prenant en considération les problèmes climatiques et les impasses agronomiques, et aussi le besoin de dégager un certain revenu, c’est très compliqué. Même pour nous, les enseignants. »
De nouveaux modes de pensée
« L’expérience, la formation, les échanges aident à apprendre et nous grandissons ensemble », note ainsi Philippe Dulucq. Toutefois, ce n’est pas tant la formation qui peut faire défaut. Christophe Mauchamp, adhérent de Bourgogne du Sud, estime que les TC de sa coopérative « se forment régulièrement. Quand il y a des nouveautés, on n’a jamais trop de souci pour arriver à trouver des solutions grâce à eux. » Pour Anne-Laure Durand, agricultrice en Ile-de-France, c’est aussi une question de profil et d’expérience, son TC étant ancien chef de culture et « ça se sent dans les conseils ». Toutefois, elle ne trouve pas son compte dans le domaine qui l’intéresse, l’agriculture de conservation des sols, car aucune réponse ne lui est apportée. Et elle tient à préciser que « les techniciens de l’entreprise avec laquelle [elle] travaille ont de bonnes connaissances dans leur domaine, mais ils font leur métier avec les moyens et les orientations que l’on leur donne ». À l’image de ce qui se fait dans d’autres entreprises du secteur, elle souhaiterait ainsi avoir affaire à un technicien spécialisé sur ces questions et les solutions alternatives telles que la phytothérapie qu’elle expérimente d’elle-même.
Son témoignage lève un point de vigilance à avoir, d’autant que lors de notre débat, les agriculteurs ont exprimé leur intérêt pour les innovations qui peuvent leur permettre de relever les enjeux qui se présentent (lire pp. 28-30). Geneviève Nguyen rappelle également la présence d’autres acteurs sur ces solutions innovantes (p. 34).
Cet élargissement de l’écosystème du conseil ne doit pas toutefois susciter trop d’appréhension. Il trouve écho dans la recherche d’autonomie d’agriculteurs pour leurs prises de décision en croisant divers avis et dans leur aspiration à rester maîtres de leur pensée. Gwendal Hercouët, jeune TC de 29 ans du négoce Moisdon, a fait de cette tendance son alliée en reconnaissant grandir au contact d’un tel mode de fonctionnement d’une partie de ses agriculteurs (p. 34). C’est là aussi que la formation peut jouer un rôle car, au-delà de sa mission d’apprentissage, elle peut amener les TC à élargir leur vision, en laissant venir à eux de nouveaux modes de pensée. Cela peut participer à leur ouverture, à faire grandir la relation et lui donner un autre sens qui peut interpeller l’agriculteur. Le contenu apporté par le TC ne fera sans doute pas seul la différence demain ; la capacité à faire « se gratter la tête », pour reprendre l’expression d’Alain Baraton, voire à bousculer avec pertinence son interlocuteur, jouera aussi son rôle. Et si les jeunes installés voient que l’on arrive à les surprendre, ils fréquenteront peut-être plus facilement les réunions de bout de champ où leur moindre présence désole Christophe Mauchamp (pp. 28-30).
Une capacité à surprendre qui peut passer par la façon de travailler du TC. À ce sujet, Alain Baraton a interpellé les TC présents à nos rencontres : « Préférez-vous travailler en mode projet ou en mode conseil technique ? » Sans hésiter, Pascal Chevrey a affirmé que « le plus épanouissant, c’est de partir d’une problématique pour aller vers un projet ». Il sait de quoi il parle puisque, en tant que « monsieur environnement » de sa coopérative, il participe à son plan de gestion bocagère (lire ci-dessus). Pour sa part, Gwendal Hercouët souhaite concilier les deux dans l’optique d’être perçu par ses agriculteurs « comme une personne qui les accompagne dans leurs projets et comme un gardien de leurs intérêts. J’apprends à me familiariser avec leurs attentes, je les écoute et donne mon avis. Je les approche comme j’aimerais qu’on le fasse pour moi. » Des propos renforcés par ceux de Laurent Gatine, observant que « dans sa relation au TC, l’agriculteur investit dans un relationnel », et d’Alexis Moreau, adhérent d’Océalia, qui vit la sienne « comme un partenariat ».
Agro Distribution – Dossier AGRICULTEUR-TC : CONSTRUIRE UNE RELATION DURABLE – Août 2022